Les transgenres en Tunisie: Une bataille pour la liberté, pour l'humanité


Des pantalons jeans, une casquette, une moustache légère: un look d’un homme ordinaire, sauf qu’il s’agit d’un homme piégé dans un corps féminin. 
Ahmed.T, un homme né dans un corps d’une femme, qui mène une vie paradoxale, qui se sent étranger à soi-même et qui est à la fois présent et absent. 
Ahmed, qui essaye depuis 3 ans à se transformer, s’est livré à nous le temps pour parler d’un soi profond, caché en son for intérieur.



Un décalage entre soi et soi-même :


Transsexualité: Discordance entre sexe biologique, sexe corporel et sexe psychologique:

Pour mieux se renseigner et pour élucider les termes en relation avec la transsexualité, ce sujet épineux qui semble encore bizarre et étrange pour la société tunisienne, nous avons effectué une entrevue avec la psychiatre et la sexologue Dr. Mariem Ben Haifa :  

Des problèmes d'intégration majeurs: 
Toujours victime de discriminations et des transgressions aux libertés individuelles, plusieurs personnes transgenres en Tunisie, à l’instar d'Ahmed se trouvent aujourd’hui face à des problèmes d’intégration énormes, malgré des droits qui progressent à petit feu.
Au sein de la société tunisienne post révolutionnaire qui a beau essayé d’être libre et moderne, on cache encore notre sexualité et on réprime tous ceux qui en parlent à tue-tête. Pire encore, toute tentative de sortir de l’ordinaire et d’aller au-delà du «cahier des charges sociétal » finit toujours par être stigmatisé et refoulé.
Selon une étude menée par « Mawjoudin » et « Damj » qui luttent pour l’égalité et les droits des personnes LGBT et l’organisation féministe « Chouf », les personnes transgenres ainsi que toute la communauté LGBT ne sont pas seulement attaqués par les regards hostiles des autres ou les interrogations répétées avec insistance au sujet de leur identité du genre, ils subissaient des actes plus catastrophiques. Les enquêté(e)s ont subi au moins une fois au cours de leur vie, des harcèlements verbales ou des agressions physiques que ce soit de la part des membres de la famille ou des proches ou de la part des inconnus, parce qu’on a su, présumé ou voulu savoir s’ils ou elles appartiennent aux minorités sexuelles ou de genre. 




Ali Bousselmi, le cofondateur et le directeur exécutif de «Mawjoudinwe exist », nous a confié que tous ces problèmes rencontrés par les transgenres aujourd’hui, évolue dans bien des cas vers la haine, et nourrit également des sentiments de rancune et de désespoir envers leurs milieux familiaux qui les ont rejeté, envers la société tunisienne qui les a jugé et surtout envers l’Etat qui ne les a pas protégé. Pire encore, elle les criminalisait à travers plusieurs articles du code pénal tunisien dont deux principaux ; l’article 230, héritage de la colonisation française, qui pénalise les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe ainsi que l’article 226 qui porte sur « l'outrage public à la pudeur ou aux bonnes mœurs ». Bien que ce dernier ne porte pas spécifiquement sur les personnes LGBT ou les transgenres, il est activé en particulier, contre ceux et celles dont les attitudes corporelles et vestimentaires transgressent les normes sociales prédominantes, ce qui laisse libre cours aux interprétations des autorités. 






« Outcasts » : la première lueur d’espoir pour les transgenres en Tunisie

Le terme « hors caste »  est un terme indien qui désigne une personne exclue de sa caste, écartée de sa société. Et c’est le cas des personnes transgenres en Tunisie.
C’est dans le même cadre que le collectif « Outcasts » ou « Manbouthāt » pour les personnes transgenres, ainsi que pour les individus passionnés par l’activisme autour du genre en Tunisie, s’est issu de l’association féministe « Chouf ».
Le groupe se concentre sur la fourniture de ressources pour la communauté transgenre et leur offre des informations concernant leur santé et leur sécurité, surtout digitale. Il organise également des ateliers et des formations dédiées aux personnes transgenres pour préciser les termes et enchaîner des discussions relatives à la transsexualité. 

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Des tentatives de casser les stéréotypes finit par en créer d’autres :

Même au sein de ce collectif, qui est censé regrouper les personnes trans exclues et rejetées par la majorité de la société « normale », ils furent aussi marginalisés.
Les MTF (male to female: homme en femme) se différent des FTM (female to male: femme en homme). Leurs conditions de vie, leurs intérêts, leurs besoins et leurs aspirations ne sont pas les mêmes du coup, ils ne se trouvent pas en harmonie. 

 Y en a ceux qui ne demandent qu’un refuge, qu'une place pour y dormir et pour sentir protégés, certains qui demandent des subventions pour procurer des hormones ou pour se dépanner, et d'autres qui veulent avoir l'accès à la santé, au travail.. Peut-être que le seul point en commun entre eux est leur désir d’être traité sur un pied d’égalité et de mener une vie décente, libre et tranquille.
Cela conduit les individus appartenant aux minorités sexuelles à reproduire la répression et le jugement ayant été exercés sur eux auparavant, et de les exercer sur les autres qui ne leur ressemblent pas, parfois inconsciemment.

La déconstruction de la binarité masculin/féminin, la quête d’abolir les « cases » du genre obsolètes, imposées par la société et d’aller au-delà des frontières entre les sexes, ont dévié vers la création d’autres normes plus modernes ; et se sont transformé en une sorte d’exclusion et de rejet exercés par la majorité des minorités sur les minorités les plus fragiles. 

« Un jour, je serai ce que je veux » ainsi disait Mahmoud Darwich et ainsi s’est exprimé Ahmed au nom des personnes transgenres qui souffrent encore de la stigmatisation, de la marginalisation et du rejet et qui ont encore de l’espoir pour un avenir meilleur à travers des longues batailles intensives menées par la communauté LGBT et les associations qui luttent encore pour les droits des minorités sexuelles et les libertés sexuelles. 


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